SEULE EN TETE-A-TETE FACE A MA CARTE DE PRESSE

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Très chère complice,

Quelle date aurait pu être plus belle et plus symbolique que ce vendredi 29 juillet 2016, jour du 135ème anniversaire de la loi proclamant la liberté de la presse et la liberté d’expression inspirée par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 supprimant une censure de la presse et de la librairie établie sous l’Empire (décret du 5 février 1810), pour te proposer qu’on ait toutes les deux, toi et moi, ce tête-à-tête ce matin ?

Mon exercice du journalisme n’étant reconnu par aucun employeur, tu n’as qu’une existence fictive, malheureusement. Les deux seuls justificatifs en ma possession prouvant que je suis diplômée restent un simple certificat de formation du Centre national de formation à distance de Brunoy et le témoignage du journaliste et formateur Gérard Marcout qui me suit fidèlement depuis six années déjà.

Ce matin, je suis tombée sur un article de l’un de mes confrères, Alexis Vintray, rédacteur en chef de Contrepoints, journal d’information d’inspiration libérale, à travers lequel il s’interrogeait sur la santé de la presse en France, pays prétendu libre et exemplaire aux yeux du monde.

Alors que je ne peux que m’indigner face à l’annonce faite du dictateur turc Erdoğan selon laquelle Ankara ordonnait la fermeture de 45 journaux, de 16 chaînes de télévision, 23 stations de radio, 15 magazines et 29 maisons d’édition, soit essentiellement de médias de province, mais aussi de certains médias à diffusion ou audience nationale, ce mercredi 27 juillet suite au coup d’Etat avorté du 15 juillet dernier, une très grande inquiétude m’envahit lorsque j’ose penser au bilan de santé de la liberté de la presse en France.

Pendant que le terrorisme ne cesse d’avoir la mainmise sur la France (ne craignons pas d’écrire les choses : nos gouvernants restent incapables d’assurer notre sécurité !), comment l’Etat peut-il, en plus, priver de « ses chers compatriotes » d’une presse libre et indépendante en contrôlant totalement celle-ci, en allant jusqu’à autoriser des perquisitions administratives des bureaux de journalistes, magistrats et élus comme l’avait dénoncé Reporters sans frontières et de faire fermer certains médias ?

N’est-ce pas grave dans un pays soi-disant « libre » que la concentration de l’actionnariat des journaux se retrouve entre les mains de quelques grands patrons, phénomène porteur de lourds risques potentiels sur l’indépendance des journalistes ? ? ? Tout aussi grave, le chantage du système de subventions apportées aux journaux français par les entreprises : comment ces dernières peuvent-elles faire preuve d’autant d’immaturité en « offrant » leur aide financière contre une communication médiatique au profit de la plus belle des publicités ?

Ma très chère carte de presse, ma très chère complice, toi que je convoite tant et que je recevrais avec tellement d’émotion tant que tu représentes pour moi, la reconnaissance de mes pairs, tu serais avant tout mon témoin numéro un de ma profession de journaliste pour laquelle je me suis tant battue. Tu serais mon recours face aux préjugés que portent les Français sur le handicap moteur. Si tu savais comment je rêve de pouvoir te sortir de mon portefeuilles et te brandir sous le nez de chaque personne qui a le don à la fois de me mettre en rage et de me blesser en me jugeant systématiquement et immédiatement après que j’aie ouvert la bouche en lui faisant refermer aussitôt son clapet en l’avertissant : « Eh ouais, vous avez pris une journaliste professionnelle pour une débile… Et ça vous coûtera un petit billet de colère dès mon retour à la maison ! » !

Jessica NATALINO alias « Plume Libre »