Vendredi 10 mai 2024
« « VOUS N’AVEZ PAS, MONSIEUR MITTERRAND, LE MONOPOLE DU CŒUR, VOUS NE L’AVEZ PAS. » »
Dans les débats des seconds tours des élections présidentielles françaises, l’un de deux finalistes de la course au palais de l’Elysée prononce toujours une petite phrase, « la » petite phrase du « duel » qui restera dans l’Histoire. Celle dont il est question ici a cinquante ans aujourd’hui. Un demi-siècle pour ces quelques mots, l’anniversaire méritait bien un papier. Surtout sous la plume d’une amoureuse des mots !
- Adjoint à l’Inspection des finances (1952), inspecteur des finances (1954)
- Directeur adjoint du cabinet d’Edgar Faure (président du Conseil, juin-décembre 1954) Député du Puy-de-Dôme (1956-1959)
- Membre de la délégation française à la XIème session de l’Assemblée générale des Nations Unies (1956-57)
- Conseiller général du canton de Rochefort-Montagne (1958-74)
- Secrétaire d’Etat aux Finances (janvier 1959)
- Ministre des Finances (janvier-avril 1962)
- Ministre des Finances et des Affaires économiques (avril-novembre 1962)
- Député du Puy-de-Dôme (novembre-décembre 1962)
- Ministre des Finances et des Affaires économiques (1962-1966), réintégré à l’Inspection des finances (1966-67)
- Président de la Fédération nationale des républicains indépendants (1966)
- Député du Puy-de-Dôme (2ème circonscription : Clermont Nord et Sud-Ouest) (1967-69)
- Président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan de l’Assemblée nationale (1967-68)
- Président (1970) du conseil de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)
- Ministre de l’Economie et des Finances (1969-74)
- Ministre d’Etat, ministre de l’Economie et des Finances (1er mars-27 mai 1974).
A 48 ans, pour être à la hauteur et assumer la fonction présidentielle, Valéry Giscard d’Estaing a un « certain bagage » comme on dit, et pour cause : il a fait ses armes auprès d’un certain… Général de Gaulle, l’homme qui a libéré, en 1944, la France de l’emprise de l’envahisseur et criminel nazi. Rien que cela ! C’est sa première campagne présidentielle
En face de Valéry Giscard d’Estaing, homme de droite, un homme de gauche. Evidemment… François Mitterrand, 57 ans. Déjà. Et c’est sa deuxième campagne présidentielle. En 1965, François Mitterrand s’était retrouvé en duel avec le Général De Gaulle. Autant dire qu’il est rôdé à l’exercice du débat du second tour…
Pour la toute première fois, au soir de ce 10 mai 1974, un vendredi, sur le plateau de la Radiodiffusion-télévision française, ce sont deux hommes de deux bords politiques opposés qui s’affrontent sous l’arbitrage des journalistes Jacqueline Baudrier et Alain Duhamel. Sur le petit écran de 25 millions de Français environ, le candidat de droite est assis à gauche et le candidat de gauche à droite. Ne demandez pas pourquoi, c’est comme cela. En France, on a toujours aimé ce qui est absurde. Une locution ne dit-elle pas : « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » ? !
Ne supportant probablement plus que, fiscalement, seuls quelques privilégiés se partagent le gâteau de l’économie française alors l’ensemble du peuple participe à l’effort national, le candidat socialiste interpelle son adversaire.
Quelques accrochages, ordinaires dans ce genre d’exercice, animent le débat… Jusqu’à cet instant où François Mitterrand lance :
– « Le moment est venu, monsieur Giscard d’Estaing, depuis longtemps, où il aurait fallu utiliser la richesse créée par tous afin que le plus grand nombre possible vive. C’est presque une question d’intelligence, c’est aussi une affaire de coeur. Je parle de l’avenir, monsieur Giscard d’Estaing. »
– Valéry Giscard d’Estaing : « Oui, mais vous parlez de l’avenir en prenant sur mon temps, monsieur Mitterrand. »
– François Mitterrand : « C’est ma candidature et mon programme d’action qui permettront demain à la France d’engager la grande aventure. »
– Valéry Giscard d’Estaing : « D’abord, je vais vous dire quelque chose : je trouve toujours choquant et blessant de s’arroger le monopole du coeur. Vous n’avez pas, monsieur Mitterrand, le monopole du coeur, vous ne l’avez pas. »
– François Mitterrand : « Sûrement pas. »
– Valéry Giscard d’Estaing : « J’ai un coeur, comme le vôtre, qui bat à sa cadence, et qui est le mien. Vous n’avez pas le monopole du coeur. Et ne parlez pas aux Français de cette façon si blessante pour les autres. Monsieur Mitterrand, personne n’a le monopole du coeur, personne n’a le monopole de la justice. ».
« Vous n’avez pas, monsieur Mitterrand, le monopole du cœur, vous ne l’avez pas. »… La petite phrase est entrée dans l’Histoire de la vie politique française. Et il y a une question intéressante à poser : Valéry Giscard d’Estaing l’avait-il préparée ? Dans « Le Pouvoir et la Vie », Giscard d’Estaing écrit que « cette phrase était une improvisation ». Néanmoins, selon Michel Le Séac’h, il pourrait s’agir d’une réminiscence du film Le Président (1961) d’Henri Verneuil, où le ministre Philippe Chalamont (Bernard Blier) lance au président (Jean Gabin) « Vous n’avez pas le monopole de l’Europe ! ».
« Vous n’avez pas, monsieur Mitterrand, le monopole du cœur, vous ne l’avez pas. »… La citation ouvrira les portes du palais de l’Elysée à Valéry Giscard d’Estaing à l’issue du second tour du 19 mai 1974 face au candidat de l’Union de la gauche, François Mitterrand, qui succédera à Alain Poher qui assuma, du 28 avril au 20 juin 1969 puis du 02 avril au 19 mai 1974, l’intérim de Georges Pompidou après que ce dernier ait succombé, le 02 avril 1974, à la maladie de Waldenström, un cancer de la moelle osseuse. À 48 ans, il deviendra le plus jeune président de la République depuis 1895.
Hasard ou destin ? Son adversaire François Mitterrand deviendra, à son tour, président sept ans jour pour jour après ce duel télévisuel, le 10 mai 1981…
Cher lecteur, chère lectrice, je vous remercie de votre fidélité et d’avoir consacré quelques minutes de votre attention à la consultation de cet article. Prenez soin de vous comme de ceux qui vous témoignent de toute leur affection… Continuons à nous protéger, à protéger ceux que nous aimons, à protéger les autres et aidons nos soignants à sauver des vies : même vaccinés, restons vigilants aux gestes barrières… Et, puisque je ne peux malheureusement rien faire d’autre pour témoigner toute ma gratitude à ces soldats qui sont en permanence en première ligne : APPLAUDISSEMENTS ! A mon prochain « petit papier »… !
Jessica NATALINO alias « Plume Libre »,
Les mots de l’Histoire