SEULE EN TETE-A-TETE FACE A « MONSIEUR » SAMUEL LE BIHAN

Jeudi 11 avril 2024

Très cher « Monsieur » Samuel Le Bihan,

Au lendemain de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme le mardi 02 avril dernier, la première chaîne du service public, France 2, s’est une nouvelle fois engagée en proposant un téléfilm dans lequel vous interprétez Simon Marchand, un avocat acceptant de revêtir sa robe noire de pénaliste pour défendre Elsa Sainthier, une mère incarnée par Natacha Régnier coupable d’avoir tué sa fille Clara atteinte de polyhandicap et d’autisme sévère.

Qui d’autre que vous aurait pu suggérer cette idée originale de téléfilm, vous le papa qui avez élevé seul votre fille Angia, née en 2002 autiste, après en avoir obtenu la garde exclusive ? Vous avez su mettre tout votre talent d’acteur au service de ce qui restera votre plus beau rôle. Comme Simon Marchand a dû raisonner en vous !

« Tu ne tueras point »… C’est l’un des dix commandements rapportés dans la Bible. Evidemment ! Personne n’a le droit d’ôter la vie à quiconque. Mais ce n’était pas véritablement le sujet de votre téléfilm. « Tu ne tueras point » soulevait plutôt la souffrance que peut éprouver une enfant atteinte de troubles autistiques. Comment savoir ce qu’il se passe dans la tête d’une petite fille privée de la parole ? Qui serait bien incapable de se mettre à sa place et jurer qu’il accepterait de vivre ainsi, entièrement dépendant des autres et enfermé dans son silence ?

Je pense sincèrement que les personnes qui ont la chance de n’avoir jamais eu d’enfant handicapé ne peuvent comprendre. Certes, je ne suis pas maman moi-même et je ne le serai jamais. Et pour cause ! Mon Infirmité Motrice Cérébrale ne me l’aura pas permis. Ce n’est pas de l’égoïsme, juste de la lucidité : comment aurais-je pu prendre soin physiquement d’un enfant alors que je rencontre déjà des difficultés à m’occuper de moi-même ? Cependant, je crois pouvoir ressentir ce que vous ressentez en tant que parents. Un enfant qui prend son envol, c’est triste, nostalgique mais c’est finalement dans l’ordre normal des choses, une bonne nouvelle qui signifie que tout va bien… Un enfant qui ne déserte pas le nid familial, c’est peu commun, ce n’est pas un poids pour les parents mais plutôt une source d’inquiétude.

« Que deviendra notre enfant lorsque le dernier de nos deux aura rendu son ultime soupir ? ». C’est l’angoisse de tous les parents d’enfants dépendants… Je n’ose même pas ne serait-ce qu’imaginer la torture que cela doit être pour une maman ou un papa ayant obtenu la garde exclusive de son enfant (poly)handicapé. Alors, pour ne pas le laisser à la charge de quelqu’un d’autre, peu importe le membre de la famille, et encore moins l’abandonner aux institutions dont il ignore comment elles le traiteront, le dernier parent décide de s’offrir le luxe de s’en aller l’esprit tranquille après avoir accompli ce geste condamnable aux yeux de la Justice et condamné par notre société : l’infanticide.

Cet infanticide là n’est pas un assassinat. Au contraire, c’est le plus beau des actes d’amour. On ne tue pas son enfant handicapé pour s’en débarrasser. Relisons « Pour tous les Vincent du monde », livre dans lequel « Madame » Marie Humbert explique la raison pour laquelle elle a accepté d’accéder à la demande de son fils de l’aider à mourir. Qui se serait occupé de Vincent après elle ?

La société n’a pas le droit de fermer les yeux sur ces situations… Mais elle ne peut pas non plus condamner ces actes extrêmes. Alors, où trouver le juste milieu ? A chacun sa peine : à elle de trouver le juste milieu…

Avec toute ma reconnaissance pour ce téléfilm, très cher « Monsieur » Samuel Le Bihan. Merci d’avoir mis ce coup de projecteur sur cette réalité que personne en France ne veut voir : le handicap, l’euthanasie exceptionnelle, deux sujets tabous au « pays des droits de l’Homme ».

Jessica NATALINO alias « Plume Libre »

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