Jeudi 18 avril 2024
Très cher « Monsieur » Marcel Pagnol,
S’il y a bien un écrivain français que j’aurais aimé rencontrer ou même avec qui partager notre si vieille planète Terre, c’est bien vous. Malheureusement, nous nous sommes manqués… Pas de quelques jours, ni de quelques semaines, ni même de quelques mois mais de dix ans !
C’est en effet le 18 avril 1974 que vous vous êtes éteint à l’âge de 79 ans, à Paris, à près de 800 kilomètres d’Aubagne. Ah Aubagne ! La ville qui vous a vu naître le 28 février 1895 grâce à Augustine, une couturière qui vous offrira deux petits frères et une petite soeur, Paul Pagnol, né en 1898, Germaine, née en 1902 et René, né en 1909 (je ne veux pas oublier Maurice, né le 02 avril 1894 et mort le 18 août de la même année, qui ne sera jamais mentionné dans l’histoire familiale). Votre père, Joseph, sera votre instituteur à l’école du Chemin des Chartreux, à Marseille.
Mais c’est dans les collines que vous avez vos plus beaux « souvenirs d’enfance » pour reprendre le titre de votre saga écrite en quatre volumes entre 1957 et 1977. « La Gloire de mon père » et « Le Château de ma mère » sortirent tous les deux en 1957, « Le Temps des secrets » en 1960, et enfin « Le Temps des amours » en 1977, à titre posthume. Ce qui est magique chez vous c’est qu’en vous lisant, on a comme cette impression d’entendre votre voix chantante du Sud nous racontait l’histoire familiale, votre histoire familiale.
« Le Château de votre mère » est celui de la Buzine, dont vous fûtes le propriétaire. C’est à l’adaptation cinématographique des deux premiers volets de vos « souvenirs d’enfance » que cet édifice du 19ème siècle situé dans le 11ème arrondissement de Marseille doit sa célébrité. Qui n’a jamais vu les films « La Gloire de mon père » et « Le Château de ma mère » avec Philippe Caubère dans le rôle de Joseph, Nathalie Roussel dans celui de votre si chère Augustine et Julien Ciamaca vous incarnant à l’âge de 9 ans ? Vos « souvenirs d’enfance » font partie de notre patrimoine culturel français !
En 1941, vous achetâtes le « Domaine des Maures », nom dû à l’invasion des Maures (pirates musulmans d’Afrique du Nord) de la région, que vous rebaptisâtes « Domaine de l’Etoile » en souvenir du Massif de l’Etoile où vous aviez passé de magnifiques vacances étant enfant et où vous aviez tourné la majorité de vos films. Mais ce domaine qu’on imagine si cher à votre cœur ne sera votre propriété que pour très peu de temps… En 1942, l’occupant nazi se permet de réquisitionner le château pour y installer « La maison de repos du marin allemand ». On pourrait penser que vous l’auriez récupéré à la Libération… Eh bien, pas du tout ! Les criminels nazis chassés, c’est à une partie de l’état-major de l’Armée française d’envahir les lieux ! Puis une infirmerie militaire, une compagnie de soldats, puis à nouveau l’armée, et enfin le Conseil général de Pologne. Après quelque temps d’inoccupation, des réfugiés espagnols y habitent quelques années. À la suite de leur départ, la demeure est devenue insalubre et inhabitable.
Pendant tout ce temps, vous restez néanmoins propriétaire du domaine et ses quarante hectares que vous vous résolvez à vendre en 1973 au promoteur Kaufman & Broad qui, dès 1982, y fait construire 249 villas (le « Parc des Sept Collines »)… Est-ce cette séparation définitive avec ce qui représentait sans doute les plus belles années de votre vie qui a entraîné votre cancer qui vous emporta le 18 avril 1974 alors que vous étiez, vous l’académicien élu le 27 mars 1946 au fauteuil 25 ?
Si un jour je suis de passage à Marseille, je ne manquerai pas de passer me recueillir sur la sépulture du 11ème « plus grand Français de tous les temps » (selon ce si étrange classement datant de 2005), au tout petit cimetière de La Treille que vos obsèques ont rendu célèbre…
Avec toute mon admiration, très cher « Monsieur » Marcel Pagnol…
Jessica NATALINO alias « Plume Libre »
« Plume Libre » par Jessica NATALINO 