SEULE EN TETE-A-TETE FACE A « MADAME » JULIE GRAND

Dimanche 24 mars 2024

Très chère « Madame » Julie Grand,

Le 23 mars 2018, Mireille Knoll, qui était promise à la chambre à gaz par le régime de Vichy en 1942 à l’âge de 9 ans, était victime, à 85 ans, d’un assassinat antisémite dans son appartement parisien du 11ème arrondissement… A 7 heures de route de là, un autre drame se déroulait ce même 23 mars 2018. Le vôtre.

« Sa vie pour la mienne » est le titre du livre à travers lequel vous témoignez de ce que vous avez vécu ce vendredi-là où votre vie a basculé. Comment auriez-vous pu imaginer, lorsque vous vous êtes levée ce matin-là, que vous devriez votre survie à un homme d’exception qui allait réussir à convaincre le terroriste qui vous avait prise en otage, une arme sur votre crâne et un couteau au niveau des côtes, vous hôtesse d’accueil du supermarché « Super U » de Trèbes, dans l’Aude, et innocente de toute accusation que Radouane Lakdim pouvait reprocher à la France, de vous laisser la vie sauve et de prendre un représentant de l’Etat à votre place ? Jamais personne ne peut l’envisager, même dans ses plus terrifiants cauchemars.

Avant de faire irruption dans le commerce en hurlant « Allah Akbar », Lakdim venait de tuer trois personnes et d’en blesser quinze autres. Mais, manifestement, il n’avait pas encore fait couler suffisamment de sang. Ce n’était qu’ « une petite action » avant de « mourir en martyr en essayant de faire le plus de mal possible », comme il vous l’aura expliqué. Arnaud Beltrame sera sa quatrième et dernière victime ; il sera mortellement blessé quelques heures plus tard. Après s’être battu pour vivre, il a déposé les armes le lendemain de l’attaque.
Les blessures infligées par Radouane Lakdim  (abattu par les forces de l’ordre) à l’officier supérieur de gendarmerie français étaient trop profondes.

Marielle Beltrame se préparait à dire « Oui » à l’homme qu’elle aimait quelques mois plus tard. Après M. le Maire, le couple devait se jurer fidélité devant Dieu le 09 juin 2018 à Trédion, en Bretagne. Malgré votre peur d’être devenue la personne qu’elle aurait pu haïr le plus au monde, vous avez ressenti le besoin de la rencontrer pour connaître à travers elle votre sauveur. Vous avez pris le risque que Marielle Beltrame vous reproche d’être en vie à la place de celui qui lui avait déjà donné son nom le 27 août 2016. Votre rencontre a eu lieu en mai 2019, soit un peu plus d’un an après que vos trois vies aient été liées pour l’éternité. Ce qu’il s’est passé ce jour-là, ce que vous vous êtes dit n’appartient qu’à toutes les deux.

C’est cette mort-là qui continue à vous hanter cinq ans après l’attaque terroriste. Celle d’Arnaud Beltrame que vous avez pu remercier sur sa dépouille de vous avoir sauvé la vie, un geste essentiel pour avancer, et à qui vous pensez souvent. Il ne se passe pas un jour sans que vous ne revivez pas la scène. Vous portez en vous les stigmates de l’attentat. Mais ce qui vous aide à tenir, avec votre fille, c’est le professionnalisme dont l’officier a fait preuve.

Très chère « Madame » Julie Grand, veuillez être assurée de tout mon respect. Qu’Arnaud Beltrame continue à vous accompagner dans votre quotidien, tout au long de votre vie.

Jessica NATALINO alias « Plume Libre »